Le temps est suspendu



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Comédie dramatique de Albert Camus, mise en scène de Emmanuel Ray, avec Mathieu Genet, Mélanie Pichot, Thomas Marceul, Thomas Champeau, Jean-Christophe Cochard, Sébastien Lagord, Nicolas Pichot, Julien Testard et Elodie Huet (en alternance Natacha Boulet-Räber). « Caligula » mis en scène par Emmanuel Ray s’ouvre sur un concert de sons distordus : les voix des sénateurs amplifiées se font écho et s’entrechoquent comme pour présager de la confusion qui va suivre, conséquence du comportement imprévisible de Caligula.

Le temps est suspendu, les sénateurs se pressent de toute part et hésitent à réagir. Caligula, empereur tyran fait régner la peur et tel un enfant capricieux, ordonne des choses de plus en plus impossibles dans une fuite en avant qui le mènera à la fin. Sur le vaste plateau (que les personnages investissent en tout sens ainsi que les allées de la salle), un long piano accompagne les errements du palais en pleine décomposition. La musique jouée en direct accroit la tension permanente. La scénographie est dominée par une plaque de métal rectangulaire suspendue à un cable, miroir ou plateau d’une balance qui peinerait à peser le bien et le mal, ou mur que bâtit Caligula dans son isolement…

Pour jouer le drame d’Albert Camus, Emmanuel Ray a fait confiance à sa troupe fidèle du Théâtre en Pièces. Tous sont parfaits. Et c’est Mathieu Genet qui endosse le rôle-titre et le joue avec une fragilité et une innocence qui le rendent authentique jusque dans sa folie. Le comédien impose une présence magnétique qui porte la pièce et l’ambiguité nécessaire au rôle. Face à lui, Mélanie Pichot est une solide et poignante Caesonia, le seul personnage qui garde un amour sincère pour l’empereur dans sa course éperdue vers la fin.

Le « Caligula » d’Emmanuel Ray, dense et roboratif, offre quelques scènes aussi puissantes que captivantes. Celle du bain est assurément un grand moment. On regrettera juste la surenchère d’effets sonores qui finit par nuire un peu à l’ensemble mais on suit néanmoins avec intérêt cette version moderne du texte d’Albert Camus, restitué dans toute sa magnificence et qui délivre un propos on ne peut plus actuel.

Nicolas Arnstam
www.froggydelight.com