Jeanne au bûcher : « Traverser le doute »



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Il y a des pièces dont la vie est plus ou moins longue. Cette « Jeanne au bûcher » a commencé sa carrière en 2009… Autant dire que la reprise qui en sera donnée à la crypte saint-Sulpice sera bien au point. Sans compter qu’au-delà de la réussite formelle de ce spectacle, il y a une vraie spiritualité.

En mai 2010, ces colonnes(1) signalaient avec enthousiasme le spectacle de « Jeanne au bûcher », interprétée alors sur la route de Saint-Jacques de Compostelle après avoir fait l’objet de quelques dates en 2009 pour célébrer les 800 ans de la cathédrale de Chartres. Il arrive enfin à Paris, à la crypte Saint-Sulpice du 12 septembre au 27 octobre(2). Emmanuel Ray explique que la mise en scène n’a que très peu bougé : certes il faut s’adapter aux dimensions de la crypte mais l’esprit demeure le même, au delà du fait que l’escalier — un élément important du décor qui figure à la fois un abri, l’estrade du juge, l’ascension vers le divin et l’échelle du supplice — perd deux marches ou que la fin sera traitée différemment. Mais il transpose tous les éléments essentiels du spectacle, jusqu’à la disposition bifrontale du public tout en respectant la jauge modeste du lieu.

Si on lui demande pourquoi il vient présenter son spectacle à Paris, la réponse est relativement classique : confronter son langage théâtral à un public qui est habitué à des formes très variées de théâtre. La question de l’exigence ne se posant pas dans la mesure où le public qui a déjà vu la pièce n’est pas pour autant béat devant n’importe quoi… Par contre, c’est quand on pose la question du choix de la pièce (depuis il a créé « Le Souper » ou « Je m’appelle Don Quichotte »), on sent venir une réponse spirituelle qui l’implique. « Jeanne, explique-t-il, est un personnage qui m’attire par son innocence, sa combativité, ce qu’elle représente. Elle montre qu’on peut faire de grandes choses en toute humilité ». Et d’expliquer qui est la Jeanne de cette pièce pour lui : une femme qui est au moment du bilan, étape nécessaire pour progresser encore dans sa vie. étape qui se caractérise aussi par une confrontation — avec frère Dominique — qui va lui montrer comment il faut parfois cheminer sans comprendre.

Et arrivent les questions que tout un chacun peut s’approprier : pourquoi faire ceci ou cela ? A-t-on fait avancer quelque chose ? Pour lui, il n’y a pas d’autre réponse à ces questions que de constater la permanence du mystère tout en continuant à marcher. Il n’y a pas d’explication à chercher mais une oreille à garder en éveil et une main à tendre pour se laisser guider. Des vues qui ne sont pas loin de la « Prière simple » de saint François (« que je ne cherche pas tant à être compris, qu’à comprendre… car c’est en s’oubliant qu’on se retrouve… »).  Bref, on tient là non seulement une belle pièce, mais encore une mise en scène qui « fait sens », pour pasticher une expression à la mode.

FRANCE Catholique n°3318 7 septembre 2012.