Courez voir la « première œuvre libertaire de Camus », comme la nomme Michel Onfray !



Caligula au Théâtre de l’Epée de bois

Par Marie-Laure Barbaud le dimanche, janvier 25 2015,  LM Énormément: Caligula d’Albert Camus, mise en scène par Emmanuel Ray

Œuvre de jeunesse de Camus, publiée en 1945, écrite dans les heures noires que traversait la France, Caligula met en scène un personnage « impossible » qui veut changer l’ordre du monde en instaurant une autre logique, celle de son pouvoir délirant, celle d’un mal absolu. Loin d’être une pièce désespérée comme a pu l’écrire Jean-Paul Sartre, Caligula est une pièce vibrante qui donne vie aux conflits qui traversent la pensée de l’homme lorsqu’il aspire à la révolte. Le choix individuel et sanguinaire du personnage éponyme aboutit à l’échec. La solution est ailleurs. La conscience aiguë d’un monde à transformer se partage. La révolte doit être solidaire comme le confirmera plus tard La Peste. Au Théâtre de l’épée de bois, Emmanuel Ray  propose une mise en scène inspirée de la pièce. Sur un plateau aux pavés disjoints, sur une scène où la pierre domine, Emmanuel Ray laisse parler le minéral dans ce qu’il a de plus dur et de plus tranchant. La scénographie exploite la rugosité de l’espace. Un lourd miroir monolithique d’acier retenu par des filins d’acier en est l’élément central. Intriguant, à la fois lumière et regard, il devient l’objet de la dissimulation, de la menace, table de marbre ou sacrificielle, autel suspendu où l’empereur rivalise avec les dieux, symbole d’une théâtralité revendiquée.
Les lumières de Natacha Boulet-Räber jouent de l’ombre et des ténèbres pour découper des espaces tranchants où les corps des personnages se dressent là où le spectateur ne les attendait pas. L’éclairage comme le travail sur le son ( piano sur scène, sons additionnels) participent à la tension qui anime l’ensemble.

Pour finir, il faut parler de l’interprétation magistrale de Mathieu Genet qui porte le personnage de Caligula avec une singulière et étonnante force. Il a la grâce enfantine du jeune empereur et sa férocité grimaçante.  Il incarne la noire désespérance, la vigueur déviante, la froide violence et le cynisme cruel du tyran prométhéen,  avec une rare intensité.

La mise en scène d’Emmanuel Ray est belle et fait entendre le texte de Camus avec clarté et intelligence.

Courez voir la « première œuvre libertaire de Camus », comme la nomme Michel Onfray !

http://www.epeedebois.com/un-spectacle/caligula/

Michel Onfray, L’Ordre libertaire. La Vie philosophique d’Albert Camus, Flammarion, 2012