« On entre dans la pièce avec légèreté, avec sourire et petit à petit, sans s’en apercevoir une machine infernale se met en place, nous broie. Plus aucune issue n’est possible. L’architecture de cette pièce est implacable. On entre progressivement dans la partie trouble, inquiétante des personnages, les méandres de l’âme humaine, nos fêlures, notre relation au pouvoir, notre besoin de domination, nos aliénations intimes, notre vampirisme, notre folie …
Hilda. L’histoire d’une femme qu’on ne voit jamais, qu’on n’entend pas, qu’on ne rencontre jamais. Une héroïne dont on parle en permanence mais dont on ne sait rien. Les autres pensent pour elle, choisissent pour elle. Elle est le fantasme de tous.
On croit avoir à faire à une pièce sociale sur la lutte des classes, sur la place de la femme… Le propos est là, certes mais petit à petit une autre perception arrive plus profonde, plus souterraine. Qui flirte avec le fantastique. »
Mélanie Pichot
L’histoire
Mme Lemarchand a besoin d’une femme de peine. Ce sera Hilda. Mme Lemarchand la veut pour le ménage, pour son service, pour ses enfants. Le seul nom d’Hilda l’envoûte, la fascine. Elle la veut pour elle seule, totalement, entièrement. Mme Lemarchand n’a pas l’intention d’exploiter Hilda, ni même de la regarder comme sa bonne. Mme Lemarchand est une femme de gauche. Elle veut éduquer sa servante, la former à la chose politique, lui apprendre à penser. Il lui faut aussi l’amitié d’Hilda, toute la vie d’Hilda et l’illusion d’une égalité possible. Comment supporter, sinon, d’être servie? Marie Ndiaye aime jouer avec la cruauté des situations quotidiennes. Elle les mène jusqu’aux limites du supportable. En ces tréfonds, le réalisme flirte avec le fantastique : la fascination devient envoûtement, la domination vampirisme, le cocasse terrible.