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« Ils sont frères de sang et de scène. Ils ont eu leur heure de gloire à Naples, au théâtre San Carlo. L’un dansait, l’autre chantait. Ils étaient au plus haut, les voilà au plus bas. Le destin les a fait échouer à Paris (triste ville, en face de Naples !) dans une mansarde sinistre. La fraternité consiste, pour eux, à se haïr et à se jalouser. Ils n’ont pas les mêmes mœurs et les mêmes idées, ils ressassent leurs vieilles querelles ; le premier en tentant de soulever ses vieilles jambes qui ne veulent plus danser, le second en s’agitant dans le fauteuil roulant où il est cloué. C’est une double danse de mort. Qui survivra le plus longtemps à cette guerre fratricide ? »
A travers ces « Fratelli » monstrueux, mon dessein est de raconter avec humour et émotion, l’horreur de l’exil, de la culpabilité, les plaisirs et déplaisirs complexes qui unissent deux êtres qui ne se sont pas choisis et qui sont contraints par la fatalité de vivre ensemble. L’abominable dépendance qu’ils se sont infligés l’un à l’autre, sans jamais abandonner la truculence de leurs origines, les transforme en un couple désespérément désopilant qui ne peut être dissout que par la mort.
J’ai choisi de composer une pièce en trois actes, marquant les trois derniers jours de Mauro et Sauro. Et comme leurs journées se répètent, ainsi, les actes II et III seront, dans la forme, les répétitions déviées de l’acte I, bien entendu avec leurs charges de révélations et de coups de théâtre. La langue, mêlée de truculences italiennes, de comédie et de divagations poétiques, est résolument une langue d’aujourd’hui. Dorine Hollier